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Interview: "Fabrique des cinémas du monde à Cannes"

Du 11 au 22 mai 2016, à Cannes, 10 tandems de réalisateurs et producteurs issus de pays aux cinématographies émergentes participeront à la Fabrique des Cinémas du Monde 2016. Ils bénéficieront cette année encore d’un accompagnement personnalisé, adapté à l’état d’avancement et au niveau d’expérience professionnelle de chacun. Ils pourront dans ce cadre mieux appréhender la nécessité de se positionner sur les marchés, développer un réseau professionnel, et conclure des coproductions et des ventes indispensables à la réussite de leur projet.

L'Institut Français de Géorgie a soutenu la participation d'une réalisatrice géorgienne, Tinatin Kajrishvili, et d'un producteur géorgien, Lasha Khalvashi à la Fabrique des Cinémas du monde. Il y présentent leur projet de film en développent "Citoyen Saint". L'Institut Français de Géorgie leur a demandé un interview à cette occasion.

- Tiko, depuis quand tu as commencé à t'intéresser au cinéma ?

T. K. – Depuis très longtemps, même avant d'avoir terminé l’école. Je n’ai rien fait d’autre dans la vie, je ne me souviens même pas de point de départ. Depuis l’âge de 12 ans, je fréquentais Pionierfilm, après 8ème classe j’ai arrêté l’école et j'ai pris des cours particuliers pour passer les examens à l’Université de Théâtre et de cinéma, donc c’était un processus très long. J’avais 17 ans quand j’ai été admise à l'Université. Ensuite j’ai terminé l’atelier de Rezo Esadzé : ce sont des cours supérieurs de réalisation. J’étais encore très jeune.

Ensuite, je suis partie pour Londres, car j’ai compris qu’ici je ne pouvais pas apprendre ce que je voulais. A Londres j’ai terminé la faculté d'écriture de scénario. Quand je suis revenue en 2004, ici il n’y avait toujours pas de moyens, ni de financements pour qu'on puisse faire quelque chose. J’ai compris qu’il fallait que j’apprenne la production du film. Je n’avais pas d’idée de ce que c’était, je comprenais qu’il fallait quelqu’un qui ferait l’organisation de la production du film, qui chercherait le financement.   

En 2007, en Géorgie, on a organisé le premier IFASC, la première formation professionnelle pour le développement du projet avec le financement de la FOCAL (Fondation de formation continue pour le cinéma et l'audiovisuel) de Suisse. J’ai suivi cette formation. Pendant un an les producteurs, les scénaristes et les experts de la rédaction du scénario très expérimentés sont arrivés en Géorgie dans le cadre de cette formation. C’était ma première formation dans cette direction. IFASC avait également d’autres formations concernant le travail sur l'organisation des festivals de cinéma que j’ai suivi également.

En 2009, j’ai été à EAVE (European Audiovisual Entrepreneurs), à la formation des producteurs et en fait c’était la dernière étape de ma formation professionnelle en tant que productrice. Cette étape de production m’a pris beaucoup de temps et beaucoup d’énergie : j’ai été productrice des autres réalisateurs. Ces films ont également eu beaucoup de succès. Ils ont même connu un succès international.

Parallèlement, je tournais en Géorgie les documentaires et les courts métrages.

En 2011, mon premier travail de réalisation, „Les mariées“, a été financé, dont je suis la productrice aussi. Lasha est le coproducteur. On a mis 2 ans pour trouver le financement pour ce film, avant qu’il soit financé par la France. Le financement de Géorgie était minimal, il ne suffisait pas à la production du film. Ce film a été projeté au festival de Berlin. Il été également à plusieurs autres festivals.

- Ton premier rapport avec la France c'était par la Fabrique des Cinémas du Monde?

T. K. – En 2008, je me suis retrouvé pour la première fois à Cannes avec le projet dont j’étais productrice. Le programme de la Fabrique de Cinémas du monde était ma première relation avec la France.

Il y a également deux courts métrages coproduits avec la France qui ont rencontré un grand succès. L’un des deux c’est le film de Torniké Bziava „Le nid“. Le film précédent de Torniké avait eu le prix du festival de Clermont-Ferrand. La chaîne de télévision France 2 avait acheté le droit de la projection et nous avons proposé à cette chaîne de financer son film suivant. C’est ainsi que „Le nid“ a obtenu la coproduction. L’autre c’est „La mûre noire“ de Gabriel Razmadzé. Il a également eu beaucoup de succès, il a été au Festival Sundance et a fait le tour des festivals du monde.

Ensuite c'était „Paradjanov“, une coproduction de Géorgie, Ukraine, France et Arménie. J’ai travaillé sur ce film avec Lasha encore une fois. Le soutien d'Arte nous a permis de travailler sur ce film.

L. Kh.  – Nous avons des liens très étroits avec la France.

T. K. – C’est vrai qu’on fait beaucoup de films avec la France. Chez nous il existe une tradition des relations avec la France. Plusieurs réalisateurs, nos prédécesseurs ont collaboré avec la France et les Français ont déjà une certaine idée concernant les films géorgiens, ils en ont même vu plusieurs et ils comprennent notre style de narration.

- Je voudrais qu’on parle de la Fabrique des cinémas du monde, tu y es déjà allée avant. Que se passe-t-il à la Fabrique, pourquoi c’est intéressant de s’y retrouver?

T. K. – Quand je me suis retrouvée pour la première fois à la Fabrique des cinémas du monde, c’était comme une sorte de refuge, car Cannes est immense et en partie perturbant. Quand tu t’y retrouve pour la première fois et tu ne connais pas ce que c’est Cannes, pour moi c'était la Fabrique qui m'a beaucoup aidée. Là-bas, on t’écoute avec attention, on t'aide à résoudre les problème lié à ton projet. Quand tu y arrives pour la première fois, tu ne connais personne. Les organisateurs de la Fabrique te demandent ce que tu envisage comme projet et par conséquent ils te programment les rendez-vous avec les professionnels qui pourraient s'intéresser de ton projet. Ils diffusent l’information concernant ce projet dans toute l’industrie de cinéma: les fondations, les producteurs ou les agents de vente. A Cannes tu a même un endroit où la porte est ouverte pour toi tout au long de la journée : que ce soit le petit déjeuner, et même le petit déjeuner est chargé de rendez-vous, ou le déjeuner, ils te programment des business-lunch et des rencontres avec des partenaires potentiels. Ce programme est entièrement construit et adapté pour que tu deviennes partie de cette industrie.

Cette fois aussi ça sera très important pour le projet. Pour nous Cannes n’est plus nouveau : pour ma part cette année, j’y vais déjà pour la dixième fois. Mais c’est très important pour le projet. Lasha a reçu même une lettre avec des propositions qu’il prenne connaissance de nouveaux projets de la Fabrique s’il en a envie. L’information à ce sujet est envoyée à l’échelle mondiale. Cela parle aussi de la qualité du projet:  tout le monde sait que le concours est très important. On choisit 10 projets du monde entier . Il est également important du point de vue de la levée des fonds : quant tu indiques dans le projet qu’il a été à la Fabrique, cela veut déjà dire que le projet est sérieux et on peut prendre le risque et y investir.

En plus, Lasha et moi, nous avons tous les deux la possibilité d’y participer. L’aide financière est également très importante, la visite à Cannes est liée à des frais importants.

L. Kh. – Le plus important pour nous c'est que nous aurons la possibilité de bien présenter le projet au public susceptible d'être intéressé, c’est très bien pour le réseautage. Et en général, la Fabrique elle-même nous fait la promotion pendant le festival.

T. K. – C'est dans le cadre de cette promotion qu'on nous fait monter sur le tapis rouge, ce tapis rouge rêvé et on annonce les noms, les prénoms et les pays. Ainsi tu fais partie de tout ça.

La Fabrique te donne la possibilité de participer aux entretiens avec les producteurs et avoir un petit déjeuner avec eux où ces gens se réunissent pendant deux heures et il y a un échange d’information.

En ce qui concerne notre projet sélectionné à la Fabrique, « Le citoyen Saint », écrit d’après le récit de Mariné Elbakidzé, « By Amigo », c’est un projet assez particulier. Ce projet a un co-scénariste, Gia Alavidzé. Gia est venu nous voir avec ce projet, nous l'avons tout de suite beaucoup apprécié. Quand j’ai dit que j’ai beaucoup aimé ce projet, la première réaction des collègues était négative. On me disait que la société géorgienne prendrait mal le film, car le sujet concerne un saint dont la statue est la seule curiosité dans la ville. Cette statue d’un saint crucifié prend vie un jour. Et on voit comment les gens se comportent avec lui.

L. Kh. – En fait, on aura la crucifixion du vingt et unième siècle, parce que malgré le fait qu’il y a tant d’années passées depuis cette histoire connue, les hommes n’ont pas pu apprendre d’être raisonnables et changer quelque chose et pour leurs propres intérêts mercantiles ils sont prêts à faire la même chose. Là, l’essentiel n’est pas de savoir si le saint est chrétien ou pas, on parle simplement des symboles. Il faut prendre en compte l'idée principale. Je pense qu’il est difficile de demander une telle attitude au spectateur géorgien, car la religion est très forte ici, mais nous n’avons pas peur.

Synopsis du projet de film :
« Citizen Saint » de Tinatin Kajrishvili (producteur : Lasha Khalvashi – Artizm), 2e long-métrage, fiction, Géorgie

Dans une ancienne ville minière de Géorgie, la statue d’un saint local prend vie. Habitants, enquêteurs, et investisseurs tentent chacun de tirer profit de ses dons tout en l’accusant d’avoir endommagé une œuvre d’art et détruit le seul site touristique de la ville. Perçu comme un escroc, on s’accorde pour le crucifier à nouveau. Mais Mary, une employée du musée, veut le garder en vie.